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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

de glace, et la flamme du bûcher continuait de monter hardiment dans les airs… »

De Pise, Byron se rendit à Gênes. Ce fut dans cette ville, reine déchue de la Méditerranée, qu’il conçut l’idée d’aller en Grèce, et de faire pour cette Niobé des nations, comme il l’appela, ce que Naples n’avait point été digne qu’il fit pour elle. Jusque-là, Byron ne s’était dévoué qu’à des individus ; il lui restait à se dévouer pour un peuple.

Au mois d’avril 1823, il entra en communication avec le comité grec, et, vers la fin de juillet, il quitta l’Italie.

Sa réputation avait grandi d’une façon immense, non-seulement en France, non-seulement en Allemagne, mais encore en Angleterre.

Un fait donnera une idée de la hauteur à laquelle cette réputation était parvenue.

Une sédition avait éclaté en Écosse, dans le comté où était situé l’héritage de la mère du poëte. Les rebelles devaient traverser les propriétés de lady Byron pour atteindre le but de leur course. Sur la limite de ces propriétés, ils convinrent de ne passer qu’un à un, afin de ne tracer dans l’herbe que l’espace étroit d’un sentier.

Cette précaution contrastait singulièrement avec leur conduite sur les propriétés voisines, qu’ils avaient complètement dévastées.

Byron citait souvent ce trait avec orgueil.

— Voilà, disait-il, qui me venge de la haine de mes ennemis.

Avant de quitter l’Italie, il écrivit sur la marge d’un livre qu’on lui avait prêté :

« Si tout ce que l’on dit de moi est vrai, je suis indigne de revoir l’Angleterre ; si tout ce que l’on dit de moi est faux, l’Angleterre est indigne de me revoir. »

Au reste, ses pressentiments lui disaient qu’il l’avait quittée pour toujours, et lady Blessington m’a raconté, à moi-même,