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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

souvenir du poëte, quand ce souvenir grandissant avait, aidé de la mort, fait de l’amant un dieu ?

Dites, avoir été la maîtresse de Byron, n’était-ce donc pas un titre aussi beau que le titre, quel qu’il fût, qu’un nouvel époux pouvait vous donner ?

Oh ! si j’osais dire ce que Déjazet disait un jour à Georges, à propos de Napoléon !

Il est vrai que Byron, avec toutes ses fantaisies, toutes ses excentricités, toutes ses manies, ne devait pas être un amant bien agréable. Mais, alors, c’était à Byron vivant qu’il fallait être infidèle, et non à Byron mort.

On a pardonné à Joséphine, impératrice, ses infidélités des Tuileries ; on n’a point pardonné à Marie-Louise, veuve, son infidélité de Parme.

N’en parlons plus, madame, et ne nous souvenons plus que de ce que Byron écrivit à Venise.

C’est à Venise qu’il composa Marino Faliero, les Deux Foscari, Sardanapale, Caïn, la Prophétie de Dante, et le troisième et le quatrième chant de Don Juan.

Il était là, en 1820 et 1821, lorsque Naples se souleva. Il écrivit aux Napolitains, et proposa au gouvernement sa bourse et son épée.

Aussi, lorsqu’arriva la réaction, lorsque, pour la seconde fois, Ferdinand revint de Sicile, lorsque les listes de proscription parcoururent l’Italie, craignit-on que Byron ne fût exilé comme les autres.

Les pauvres de Ravenne adressèrent, alors, une pétition au cardinal pour qu’il lui fût permis de rester.

C’est que cet homme, qui, tout haut et en plein jour, offrait mille louis aux Napolitains, c’est que cet homme était, pour les pauvres de Venise et des environs, une source inépuisable de pitié ; jamais un pauvre ne tendit la main vers lui et ne la retira vide, même au moment de sa plus grande gêne, et plus d’une fois il emprunta pour donner.

Il savait bien cela quand il disait :

« Ceux qui m’ont si longtemps et si cruellement persécuté