Ces régiments font partie de ceux dont le général Montholon vient de recevoir le commandement.
L’empereur lui ordonne de les faire retourner à leur poste, et s’avance lui-même vers eux, non pas pour exciter, mais pour calmer leur patriotisme.
Alors, un de ces hommes lui crie :
— Sire, souvenez-vous du 18 brumaire !
Vous croyez qu’à ce mot, à cette date, à ce souvenir, le cœur va bondir, l’œil étinceler ? vous croyez que le cheval va sentir l’éperon et se cabrer ?
Point.
— Vous me rappelez le 18 brumaire, dit-il ; mais vous oubliez que les circonstances ne sont pas les mêmes. Au 18 brumaire, la nation était unanime dans son désir de changement ; il ne fallait qu’un faible effort pour arriver à ce qu’elle désirait ; aujourd’hui, il faudrait des flots de sang français, et jamais une seule goutte n’en sera versée par moi pour défendre une cause toute personnelle.
Cet homme comprend donc qu’il y a deux causes maintenant : sa cause personnelle et celle de la France.
Ah ! cette fois, sire, vous avez raison ; vous entrevoyez la première lueur de cette grande auréole qui vous fera dire à Sainte-Hélène :
— Dans cinquante ans, l’Europe sera républicaine ou cosaque.
Les deux régiments s’éloignèrent en se disant :
— Qu’a donc l’empereur ? Nous ne le reconnaissons plus.
Et, en effet, il n’était plus reconnaissable. Le voilà sortant de Paris, le 25, en fugitif, pour aller à la Malmaison, où de nouvelles hésitations l’attendent.
Aussi n’en croit-on rien autour de lui. Le calme, ou plutôt l’abattement de l’Élysée épouvante amis et ennemis.
— C’est le sommeil du lion, dit-on tout bas, de crainte de le réveiller.
Ce départ pour la Malmaison est un fait bien autrement grave. L’empereur quitte Paris afin d’être libre de ses actions ; il va faire un détour, regagner, par Saint-Denis, la route de