Je poussai un soupir qui ébranla le chambranle de pierre contre lequel j’étais appuyé.
— Tu sais que M. Deviolaine est venu ? me dit ma mère.
— Je crois bien, je l’ai vu venir. C’est pour cela que je me suis sauvé.
— Il veut absolument que tu ailles en prison.
— Oh ! pour cela, m’écriai-je, il n’a pas le droit de m’y faire aller.
— Comment, il n’a pas le droit de t’y faire aller ?
— Non, non, non, je le sais… Puisque je te dis que je le sais !
Ma mère fit un signe à madame Darcourt. Je surpris ce signe.
— Oh ! tu n’as pas besoin de cligner de l’œil, lui dis-je ; il n’en a pas le droit.
— Oui, mais il a le droit de te faire un procès-verbal, de te mettre à l’amende.
— Ah ! ça, c’est vrai, dis-je avec un second soupir encore plus déchirant que le premier.
— Et cette amende, qui la payera ?
— Ah ! dame, pauvre maman, je sais bien que ce sera toi. Mais sois tranquille : quand je gagnerai de l’argent, je te rendrai tes cinquante francs, parole d’honneur !
Ma mère ne put s’empêcher de rire.
— Ah ! tu as ri, m’écriai-je ; ah ! il n’y a pas plus d’amende que de prison !
— Non, mais à une condition.
— Laquelle ?
— C’est que tu iras dire à M. Creton que tu es fâché de ce qui est arrivé, et que tu lui demandes bien pardon.
Je secouai la tête.
— Comment, non ? s’écria ma mère.
— Non ! repris-je.
— Tu dis non, je crois ?
— Je dis non.
— Et pourquoi cela ?
— Parce que je ne puis aller lui dire que je suis fâché qu’il se soit donné une entorse.