Je me sentais bien près de pleurer.
— Bah ! dit Montagnon, et ton cousin Deviolaine, est-ce qu’il n’est pas là ?
Je secouai la tête. Je n’avais pas à cet endroit grande confiance dans mon cousin Deviolaine. Je lui avais dit plus d’une fois pour le sonder :
— Mon cousin, que me feriez-vous, si vous me preniez chassant dans la forêt ?
Et il m’avait répondu, avec cette douce voix qui le caractérisait, et ce charmant froncement de sourcils qui d’ordinaire accompagnait sa voix :
— Ce que je ferais ? Je te flanquerais dans un cul de bassefosse, drôle !
La consolation que me donnait Montagnon à l’endroit de M. Deviolaine n’était donc rien moins qu’efficace.
Je rentrai, en conséquence, à la maison, l’oreille excessivement basse. J’embrassai ma mère plus affectueusement que de coutume, et je m’acheminai vers ma chambre.
— Où vas-tu ? me dit-elle.
— Faire mon thème, maman, lui répondis-je.
— Tu le feras après dîner. On va se mettre à table.
— Je n’ai pas faim.
— Comment, tu n’as pas faim ?
— Non : j’ai mangé une tartine de beurre chez Montagnon.
Ma mère me regarda avec étonnement ; madame Montagnon ne passait pas pour prodiguer les tartines.
Puis, se retournant vers une vieille amie à elle qui venait passer presque tout son temps chez nous, et que je criblais de niches :
— Ah çà ! mais est-ce qu’il est malade ? demanda-t-elle moitié riant, moitié inquiète.
— Soyez tranquille, répondit la vieille dame, le brigand aura fait quelque nouveau tour, et n’a probablement pas la conscience nette.
Oh ! chère madame Dupuis, que vous aviez une profonde connaissance du cœur humain en général et de mon cœur en particulier !