— Oui, disait le président à quelqu’un qui n’avait pas encore ouvert la bouche ; oui, vous avez raison ; il faudrait nous débarrasser de cet homme !
— Oui, répondirent en chœur les assistants.
— Eh bien, c’est convenu, on s’en débarrassera.
— Il ne manque plus qu’une chose, dit un des membres du conciliabule.
— Laquelle ?
— La principale ! l’homme qui frappera le coup.
— J’ai l’homme, dit une voix.
— Un homme sûr ?
— Un homme ruiné, un homme ambitieux, un homme tombé de haut, et qui fera tout pour de l’argent et une position.
— Son nom ?
— Maubreuil.
Cela se passait le 31 mars, au soir.
Le même jour, Marie-Armand de Guerry, comte de Maubreuil, marquis d’Orvault, avait attaché la croix de la Légion d’honneur, qu’il avait bravement gagnée en Espagne, à la queue de son cheval, et s’était fait voir ainsi sur les boulevards et sur la place Louis XV.
Il est vrai qu’à la place Vendôme, il avait fait mieux encore : il avait passé une corde au cou de la statue de l’empereur, et il avait tiré de toutes ses forces, avec une douzaine d’autres honnêtes gens de son espèce ; mais, voyant que ses forces ne suffisaient point, il avait attelé son cheval à cette corde. Cela n’avait pas suffi encore. Alors, on avait été demander un renfort de chevaux au grand-duc Constantin, qui avait refusé en disant :
— Cela ne me regarde pas.
Maintenant, qui avait été chercher ce renfort ? qui s’était fait le commissionnaire de Maubreuil ? Un très-grand seigneur, ma foi, un très-beau nom historique ! Il est vrai que le très-grand seigneur, porteur de ce beau nom, avait une chose à faire oublier : c’est qu’il devait tout à l’empereur.
Son nom, demandez-vous ?