» — On a beau avoir crédit, mon enfant, tu sauras un jour qu’il faut finir par payer, et que plus on tarde à payer, plus on paye cher.
» — Oh ! maman, je t’en prie !
» — Et combien cela coûte-t-il, des bottes ?
» — Quatre douros, ma mère.
» — C’est six mois de ton éducation, au prix que me la faisait payer le bon chanoine Gregorio.
» — Tu payeras en quatre mois, bonne mère, insista l’écolier.
» — Mais encore… veux-tu me dire quel bénéfice tu espères tirer de ce pantalon collant et de cette paire de bottes ?
» — Je compte plaire à doña Lorenza, la nièce du chanoine.
» — Comment cela ?
» — Oui ; elle raffole des pantalons collants et des bottes… Il paraît que c’est la dernière mode de Madrid.
» — Eh bien, que t’importe ce dont raffole et ce dont ne raffole pas la nièce de don Gregorio, je te le demande ?
» — Cela m’importe beaucoup, ma mère.
» — Et pourquoi ?
» L’écolier prit un air de suprême fatuité.
» — Parce que je lui fais la cour, dit-il. »
C’était mot à mot le dialogue que j’avais échangé avec ma mère, à mon retour de chez Laudereau ; aussi, la sueur de la rage me montait-elle au front.
« À ces mots : Parce que je lui fais la cour, continua le narrateur, la mère de Samud fut saisie d’un invincible étonnement ; son fils, qu’elle voyait encore courant les rues avec sa grande robe à fleurs, ou renouvelant les Vœux du baptême son cierge à la main ; son fils, faisant la cour à la belle doña Lorenza, lui apparaissait comme une de ces énormités auxquelles elle n’avait jamais songé.
» Sur quoi, voyant son doute, son fils retroussa la manche de sa veste, et lui montra un bracelet de cheveux avec une agrafe en mosaïque.
» Seulement, il se garda bien de lui dire que, ce bracelet, il l’avait pris à doña Lorenza, sans que doña Lorenza le lui