» En rentrant, l’écolier hasarda la demande d’une paire de bottes.
» La prétention parut si singulière à la mère de Samud, qu’elle lui fit répéter deux fois cette demande.
» C’était d’autant plus étrange, que c’était pour la première fois que l’écolier s’occupait de sa toilette. Jusqu’à l’âge de dix ans, on avait eu toutes les peines du monde à lui faire quitter une longue robe d’indienne à fleurs, qui lui paraissait beaucoup plus commode que tous les hauts-de-chausses et tous les pourpoints de la terre ; puis, de l’âge de dix ans à l’âge de quinze, il avait indifféremment porté tous les vêtements dont on avait jugé à propos de l’affubler, préférant toujours les sales aux propres, les vieux aux neufs ; parce que, avec les premiers, on le laissait sortir en tout temps et se rouler en tous lieux.
» La demande d’une paire de bottes paraissait donc, à la pauvre mère, insolite au dernier degré, et elle craignit que son fils ne fût devenu fou.
» — Une paire de bottes ! répéta-t-elle ; mais avec quoi mettras-tu cela ?
» — Avec un pantalon collant, ma mère.
» — Avec un pantalon collant ! Mais tu ne sais donc pas que tu es jambé comme un coq ?
» — Pardon, ma mère, répondit l’écolier, qui ne manquait pas d’une certaine logique ; mais, si j’ai assez de mollets pour porter des culottes courtes, j’en aurai assez pour porter des pantalons collants.
» La mère admira l’esprit de son fils, et, à moitié vaincue par la repartie :
» — Le pantalon collant, dit-elle, est encore possible en recourant à l’armoire aux habits ; mais les bottes… où trouveras-tu des bottes ?
» — Pardieu ! chez Laudereau.
» — Mais cela coûte cher, mon enfant, des bottes ! dit la pauvre femme avec un soupir, et tu sais que nous ne sommes pas riches.
» — Bah ! maman, Laudereau te fera crédit.