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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Crépy demander communication d’un acte à son confrère, maître Leroux.

Cette fois, comme le ruisseau était un peu large à sauter, — il y a trois lieues et demie de Villers-Cotterets à Crépy, — je fus prévenu qu’un boulanger, client de M. Mennesson, que le renseignement que j’allais chercher intéressait, mettait son cheval à ma disposition.

C’était toujours une fête pour moi que de monter à cheval, même sur un cheval de boulanger.

Je partis le matin, avec injonction de revenir le soir même, à quelque prix que ce fût.

Outre le plaisir de la locomotion, j’étais encore attiré à Crépy par un autre attrait : j’allais revoir cette bonne famille chez laquelle nous avions reçu l’hospitalité du temps de l’invasion, et mes amis de Longpré.

J’ai raconté l’histoire de madame de Longpré, cette veuve d’un valet de chambre du roi Louis XV, laquelle vendait un à un les magnifiques plats de porcelaine qu’elle avait hérités de son mari, et dont le fils aîné, maréchal de logis des chasseurs, si brave en toute autre circonstance, tremblait et se cachait sous le lit quand il faisait de l’orage.

Je partis en me promettant de revenir le plus tard possible.

Je me tins religieusement parole. Je fis d’abord ma commission près de maître Leroux ; puis, ma commission faite, je commençai mes visites.

À sept heures du soir, je remontai à cheval et me remis en chemin.

C’était au mois de septembre. Les jours diminuaient sensiblement ; et comme, ce soir-là, le temps était sombre, presque pluvieux, il faisait déjà nuit depuis longtemps lorsque, en sortant de Crépy, je donnai le premier coup d’éperon à mon cheval.

Le chemin de Villers-Cotterets à Crépy, ou plutôt de Crépy à Villers-Cotterets, — car c’est ainsi que nous allons le décrire topographiquement, — est une espèce de grande route, à peu près abandonnée comme communication commerciale ; à moi-