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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

pâle comme un mort. Puis, se retournant, en secouant sa belle tête, du côté de celui qui touchait imprudemment à cette plaie de son cœur que la langue de ses chiens ne pouvait guérir :

— Tiens ! lui disait-il, — un tel, — si j’ai un conseil à te donner, tais-toi ; et tais-toi tout de suite… Plus tôt tu te tairas, mieux cela vaudra pour toi !

Et le mauvais plaisant se taisait aussitôt. Ajoutons même que, de jour en jour, les allusions que l’on osait faire à la seule faiblesse de cet homme si fort devenaient de plus en plus rares, et promettaient même, dans un temps très-court, de ne plus se renouveler du tout.


XLIII


Choron et le chien enragé. — Niquet dit Bobino. — Sa maîtresse. — Chasse au sanglier. — Hallali. — Triomphe de Bobino. — Il est décoré. — Le sanglier qu’il avait tué ressuscite.

Voilà donc nos nouveaux acteurs posés. Le jeudi est venu : il est huit heures et demie du matin, et nous débouchons — M. Deviolaine, mon beau-frère, moi et une douzaine de gardes, tant partis de Villers-Cotterets que recrutés sur la route, — au tournant de la forêt, situé à quatre cents pas, à peu près, de la Maison-Neuve.

Choron était, comme d’habitude, sur sa porte, son cor à la main. Dès qu’il nous aperçut, il jeta au vent les notes les plus sonores, et nous ne doutâmes point que la chasse ne fût certaine.

Nous doublâmes le pas, et nous arrivâmes.

C’était quelque chose de charmant, comme goût et comme propreté, que l’intérieur de cette petite maison, que M. Deviolaine avait fait bâtir il y avait huit ou dix ans, et que l’on appelait la Maison-Neuve.

Je vois encore cet intérieur comme il m’apparut, quand je mis le pied sur le seuil, avec son lit à rideaux verts ; à gauche, la cheminée garnie de trois fusils ; au chevet du lit, une