rait pas jugé à propos de dire comment était Jacotot ; si Jacotot était beau ou laid, bien ou mal mis, jeune ou vieux.
Le Jacotot entra me parut insuffisant, et j’eus le malheur de dire : « Jacotot entra ; ce n’était pas autre chose que le garçon limonadier. »
Première désignation blessante pour Jacotot, qui était garçon limonadier, c’est vrai, mais qui, sans doute, avait le désir d’être pris pour un clerc de procureur.
Je continuai : « Il s’arrêta en face de nous ; le sourire était stéréotypé sur sa grosse figure stupide, qu’il faut avoir vue pour s’en faire une idée. »
Voilà ce qui me brouilla véritablement avec Jacotot, c’est ce portrait physique ; tout le bien que j’ai pu dire de lui, et qui l’a immortalisé, n’a pu effacer de son souvenir la malheureuse épithète appliquée par moi à sa figure.
Il y a un an, c’est-à-dire en l’an de grâce 1854, près d’un quart de siècle après la publication de ces malheureuses Impressions de Voyage qui ont heurté tant de susceptibilités, un voyageur, de passage à Aix, eut le désir de connaître Jacotot : il alla au café, et fit ce que j’avais fait.
Il appela Jacotot.
Le maître du café s’approcha de lui
— Monsieur, lui dit-il, celui que vous demandez a fait fortune, et est retiré.
— Ah ! diable ! reprit le voyageur. J’eusse voulu le voir.
— Oh ! vous pouvez le voir.
— Où cela ?
— Chez lui.
— Oh ! le déranger, pour lui dire purement et simplement que j’ai envie de le voir, c’est peut-être bien un peu indiscret
— Eh ! tenez, justement, vous pouvez le voir sans le déranger.
— Comment cela ?
— C’est lui qui est là-bas sur sa porte, les mains dans ses poches, le ventre au soleil.
— Merci.