pendant la nuit ; de sorte que, lorsque la duchesse avait demandé pourquoi il ne venait pas déjeuner, on lui avait annoncé cette nouvelle, à laquelle une phrase échappée la veille à Dermoncourt aurait dû la préparer, si elle l’avait entendue. La duchesse avait crié à la trahison et avait appelé le général jésuite. Cette injure avait quelque chose de si curieux dans la bouche de Madame, que Dermoncourt en riait encore lorsqu’il arriva chez elle.
Elle le reçut avec la même pétulance que la veille, et presque avec les mêmes paroles.
— Ah ! c’est comme cela, monsieur ? Je ne l’aurais jamais cru, vous m’avez trompée, et indignement !
Le général feignit, comme la veille, l’étonnement, et lui demanda ce qu’elle avait.
— J’ai que Guibourg a été enlevé cette nuit et conduit en prison, malgré la promesse que vous m’aviez faite que je ne serais pas séparée de mes compagnons d’infortune.
— J’aurais voulu accomplir tous les désirs de Madame ; mais il ne dépendait pas de moi ni de M. le comte d’Erlon d’empêcher l’autorité judiciaire de revendiquer M. Guibourg. Il avait été mis en accusation avant son arrestation : la cour d’assises de Loir-et-Cher était saisie du procès, et M. Guibourg devait être transféré à Blois pour y être jugé. Aucun pouvoir légal ne pouvait l’en dispenser. Quant à mademoiselle de Kersabiec et à M. de Ménars, qui ne sont pas en état d’accusation, ils sont restés auprès de Votre Altesse royale ; ainsi vous voyez bien, madame, que M. le comte d’Erlon et moi n’avons nullement manqué à la parole que nous vous avions donnée !
— Mais, au moins, pourquoi ne m’avoir point prévenue ?
— Je n’ai encore, de ce côté, aucun reproche à me faire, puisque, en autorisant M. Guibourg à dîner hier avec vous, j’ai ajouté ces paroles : D’autant plus que ce sera probablement le dernier repas qu’il aura l’honneur de faire avec Madame.
— Je n’ai point entendu cela.
— Le général l’a cependant dit, madame, interrompit doucement mademoiselle de Kersabiec.