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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

rerit avec raison qu’il était temps d’en finir ; chacun se retira devant les troupes, tout en continuant de charivariser pendant cette retraite, qui eut tous les honneurs d’une victoire.

Le lendemain, le calme le plus parfait était rétabli, et M. Duval put faire une proclamation dans laquelle il se plaignait d’avoir été mal jugé, et disait, entre autres choses, que ses œuvres feraient foi de son patriotisme. Or, comme l’œuvre sur laquelle il comptait le plus pour opérer la conversion des esprits était la capture de la duchesse, il commença à concerter ses mesures pour que celle-ci ne pût lui échapper.

Cela nous ramène tout naturellement à Deutz.

Nous avons dit quelle surveillance entourait Madame ; elle-même avait jugé nécessaire de se rendre invisible à ses amis lorsqu’il n’était pas indispensable de les recevoir : cette circonstance faillit faire échouer la trahison. Deutz savait bien la duchesse à Nantes ; mais, en cela, toute la ville était, aussi avancée que lui. La maison qu’elle habitait était la chose importante à connaître, et Deutz ne la connaissait pas.

Il parvint à lui faire savoir son arrivée ; mais la duchesse, craignant d’abord que ce ne fût un piège de la police, ou qu’un autre que Deutz ne se présentât peut-être sous son nom, refusa de le recevoir, à moins qu’il ne confiât ses dépêches à un tiers. Deutz fit répondre qu’il allait passer quelques jours à Paimbeuf, et qu’à son retour, il aurait l’honneur, avec l’espoir d’être plus heureux, de solliciter de nouveau de Madame l’audience qu’il lui avait demandée.

En effet, il quitta Nantes avec son compagnon M. Joly, attaché à sa personne comme un garde de la connétablie. Tous deux allèrent à Paimbeuf, l’un se donnant pour un capitaliste qui voulait acheter des terres, et l’autre pour un géomètrearpenteur. Le voyage dura environ huit ou dix jours. À son retour, Deutz renouvela ses instances, mais sans plus de succès ; il se détermina alors à envoyer à la duchesse les dépêches importantes dont il était chargé pour elle. En recevant ces papiers, Madame fut bien convaincue de l’identité de Deutz, et n’hésita plus à le recevoir.