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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


VII


Dermoncourt est expédié par mon père à Bonaparte. — Réponse franche de Berthier. — Mouvements militaires qui sont la suite de la dépêche saisie sur l’espion. — Correspondance de mon père avec Serrurier et de Dallemagne. — Combats de Saint-Georges et de la Favorite. — Prise de Mantoue. — Mon père porté en observation.

La joie de mon père et de Dermoncourt fut grande ; la dépêche, comme on voit, était des plus importantes. D’abord elle dénonçait la Toscane, les États vénitiens et les États pontificaux, comme des pays pleins de bonne volonté. Ensuite elle indiquait la résolution où était Alvintzy de ne rien faire, avant trois semaines ou un mois.

Il fallait donc faire passer le plus vite possible cette dépêche à Bonaparte.

Dermoncourt monta à l’instant même à cheval et prit la route de Milan.

Il y arriva le surlendemain, à sept heures du matin, et descendit au perron de l’hôtel Serbelloni, où logeait le général Bonaparte. Il avait fait une partie de la route à cheval et l’autre dans une espèce de calessino qu’on appelle sediolle.

Mais, là, Dermoncourt trouva un obstacle auquel il ne s’attendait pas ; l’aide de camp de service avait ordre de ne laisser pénétrer jusqu’à Bonaparte qu’à neuf heures du matin.

Dermoncourt se fâcha.

— Eh ! monsieur, lui dit-il, vous voyez bien, par la boue dont je suis couvert, que je n’arrive pas du bal, et, si j’insiste pour voir le général en chef, c’est que j’ai quelque chose d’important à lui dire.

L’aide de camp s’obstina dans son refus, Dermoncourt s’entêta dans la volonté de voir Bonaparte ; l’aide de camp lui barra le passage ; Dermoncourt était un bouledogue de l’école républicaine ; il prit l’aide de camp par les deux épaules, lui fit faire un tour sur lui-même et passa ; mais toute cette lutte