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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Eh bien, oui, j’avoue, dit l’espion après un instant d’hésitation.

— Tu avoues que tu as avalé tes dépêches ?

— Oui, général.

— Et combien y a-t-il de temps de cela ?

— Il y a maintenant deux heures et demie, à peu près, général.

— Dermoncourt, dit mon père à son aide de camp, qui couchait dans une chambre à côté de la sienne, et qui, depuis le commencement de cette scène, la regardait et l’écoutait avec la plus grande attention, ne sachant pas trop où elle allait aboutir.

— Me voilà, général.

— Tu entends ?

— Quoi, général ?

— Que cet homme a avalé ses dépêches ?

— Oui.

— Depuis deux heures et demie ?

— Depuis deux heures et demie.

— Eh bien, va trouver le pharmacien du village, et demande lui si, au bout de deux heures et demie, c’est un purgatif ou un vomitif qu’il faut donner à un homme à qui l’on veut faire rendre ce qu’il a pris : qu’il te dise celui des deux qui aura le plus prompt résultat.

Au bout de cinq minutes, Dermoncourt rentra, et dit, la main à son chapeau et avec un flegme merveilleux :

— Un purgatif, général.

— Le rapportes-tu ?

— Oui, général.

On présenta le purgatif à l’espion, qui l’avala en faisant la grimace ; puis on le conduisit dans la chambre de Dermoncourt, où deux soldats le gardèrent à vue, tandis que Dermoncourt passait une assez mauvaise nuit, réveillé par les soldats, chaque fois que l’espion portait la main au bouton de sa culotte.

Enfin, vers les trois heures du matin, il accoucha d’une petite boulette de cire grosse comme une aveline ; la boulette de