Page:Dumas - Mes mémoires, tome 1.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

duré trois jours, mon père trouva une lettre qui lui ordonnait de se rendre en Italie et de s’y mettre à la disposition du général Bonaparte. Cet ordre était en date du 22 vendémiaire (14 octobre).

C’était tout ce que désirait mon père, quoiqu’il partageât un peu cette répugnance de tous ses collègues, eux qui se regardaient comme de vieux généraux de trente-deux à trente-quatre ans, de servir sous un général de vingt-six ans ; mais le bruit du canon de tant de batailles avait retenti à ses oreilles depuis un an, qu’il avait été tout prêt à demander du service en Italie, dans quelque grade que ce fût.

Mon père arriva à Milan le 19 octobre 1796.

Il y fut admirablement reçu par Bonaparte, et surtout par Joséphine, qui était venue l’y rejoindre, et qui, en sa qualité de créole, aimait passionnément ce qui lui rappelait ses chères colonies.

Il trouva Bonaparte fort inquiet et surtout fort courroucé contre le Directoire, qui l’abandonnait. Les généraux autrichiens avaient été battus ; mais l’Autriche n’était point battue, elle.

Les troupes que l’empereur avait en Pologne, grâce aux assurances que Catherine lui avait données, avaient pu se mettre en marche vers les Alpes ; on en avait fait autant des troupes en observation sur le Danube et surveillant la Turquie ; toutes les réserves de la monarchie autrichienne étaient, en outre, dirigées sur l’Italie ; une nouvelle et splendide armée se préparait donc dans le Frioul, composée des débris de l’armée de Wurmser, des troupes venues de Pologne et de Turquie, enfin des réserves et des recrues. C’était le maréchal Alvintzy qui était chargé de reprendre le commandement de cette quatrième armée chargée de venger l’honneur de Colli, de Beaulieu et de Wurmser.

Pour combattre cette nouvelle armée, Bonaparte n’avait plus que vingt-cinq mille hommes des troupes qui l’avaient accompagné en Italie ou qui étaient venues l’y rejoindre, tant le canon autrichien, même au milieu de ses défaites, avait creusé de larges vides dans nos rangs. Il était arrivé quelques batail-