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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

C’était la troisième armée autrichienne que Bonaparte détruisait depuis son entrée en Italie.

Wurmser, entré dans Mantoue, résolut de s’y défendre jusqu’à la dernière extrémité, et, pour ajouter aux vivres, il fit tuer et saler les sept mille chevaux de ses cavaliers, dont il fit des fantassins.

Puis, furieux de la façon dont ses hommes s’étaient conduits, il condamna ses officiers, pour les punir, à ne se promener pendant trois mois dans les rues de Mantoue qu’avec des quenouilles aux mains, au lieu de cannes.

Les officiers subirent sans murmure cette étrange punition.

Quant à Bonaparte, il laissa Serrurier bloquer Mantoue et s’en retourna à Milan attendre des secours du Directoire, et, en les attendant, fonder la république cisalpine.


VI


Mon père à l’armée d’Italie. — Il est reçu à Milan par Bonaparte et Joséphine. — Embarras de Bonaparte en Italie. — La gale. — On rentre en campagne. — Découragement. — Bataille d’Arcole. — L’espion autrichien. — Comment mon père le force à livrer sa dépêche.

Pendant que ces merveilles s’accomplissaient dans la haute Italie, mon père commandait toujours la division de l’armée des Alpes ; comme c’était, ainsi que nous l’avons dit, un poste d’observation, il avait placé les généraux de brigade Dufresne et Pailloc, l’un au pied du mont Cenis, et l’autre à Saint-Pierre-d’Albigny dans la Tarantaise, tandis que lui-même était allé établir son quartier général à la Chambre, petit village composé d’une douzaine de maisons et situé au pied d’une chaîne de rochers fort giboyeux en chamois.

De là sa prédilection pour la Chambre, où, d’ailleurs, il savait retrouver un de ses anciens guides du mont Cenis, chasseur enragé, avec lequel il passait les jours et les nuits dans la montagne.

Un soir, en rentrant après une chasse magnifique qui avait