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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

guerre, il eût tout pris, même le fusil d’un soldat ; en temps de paix, il était plus difficile.

— Acceptez toujours, général, lui dit Dermoncourt ; vous serez là sur le chemin de l’Italie. De Chambéry à Suzé, il n’y a que le mont Cenis à traverser.

— En ce cas, répondit mon père, j’ai bien fait de le prendre.

Et il partit.

En effet, comme nous l’avons dit, la guerre, éteinte avec l’Espagne, la Prusse, la Toscane, le Piémont et la Hollande, est restée vivace entre nous et nos deux éternelles ennemies, l’Autriche et l’Angleterre.

Le 17 novembre 1795, les Anglais, attendus vainement à Quiberon, ont évacué l’île Dieu. Sombreuil et douze cents émigrés français sont passés par les armes. Au bruit de la fusillade qui retentit jusqu’à Londres, Pitt s’écrie :

— Du moins, le sang anglais n’a coulé d’aucune blessure.

— Non, lui répond Sheridan ; mais l’honneur anglais a coulé par tous les pores.

Quant à l’Autriche, nous continuons de la rencontrer au nord et au sud à la fois. Masséna lui gagne, au sud, la bataille de Loano, et Bernadotte, au nord, le combat de Crutznach.

Seulement, on ne profitait pas de ces victoires. Bonaparte soumit, par l’entremise, de Barras, au Directoire un vaste plan qui fut adopté.

On était en train d’en finir avec la Vendée, où Hoche faisait fusiller Stofflet et Charette. Débarrassée de cette inflammation d’entrailles, la France, complètement guérie à l’intérieur, pouvait jeter toutes ses forces sur l’Allemagne et l’Italie.

Voici quel était le plan du Directoire :

La Vendée pacifiée, on prenait immédiatement l’offensive. Nos armées du Rhin bloquaient et assiégeaient Mayence, soumettaient les uns après les autres les princes de l’empire, transportaient le théâtre de la guerre dans les États héréditaires et s’établissaient dans les splendides vallées du Mein et du Necker.

Dès lors, elles ne coûtaient plus rien à la France, la guerre défrayait la guerre.