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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

vers la France, sépare sa petite armée en deux corps, en laisse un sous les ordres du général Brunet, et conduit lui-même l’autre sous les murs de Lyon.

Aussitôt le départ de Kellermann connu, les Piémontais, profilant de la réduction des troupes françaises, étaient tombés sur elles au nombre de vingt-cinq mille hommes. Mais, pendant dix-huit jours, cette poignée de braves résista, combattant sans cesse, ne reculant que pas à pas, ne perdant que vingt lieues de pays et sauvant tous ses magasins.

Cependant le général Brunet ne pouvait résister plus longtemps ; il fit connaître sa position à Kellermann. Kellermann quitte aussitôt le siège de Lyon, accourt à l’armée, conduisant un renfort de trois mille hommes qui portent la totalité de ses forces à huit mille hommes ; trois cents gardes nationaux sont placés par lui en seconde ligne, et, avec ces faibles moyens, il reprend l’offensive le 13 septembre 1793.

Son plan d’attaque, parfaitement combiné par lui et non moins bien exécuté par ses lieutenants et ses soldats, eut un succès complet, et, dès le 9 octobre suivant, les ennemis étaient chassés du Faucigny, de la Tarantaise et de la Maurienne ; repoussés de position en position, les Piémontais voulurent enfin tenir dans celle de Saint-Maurice, où ils avaient établi plusieurs pièces de canon. L’avant-garde y arriva le 4 octobre à sept heures du matin ; la canonnade dura jusqu’à dix heures, moment où le gros de l’armée parut avec l’artillerie. Aussitôt, et pendant que les canons français font taire la batterie ennemie, Kellermann donne l’ordre au 2e bataillon de chasseurs de tourner les Piémontais. Habitués à cette guerre de montagnes, les huit cents hommes qui le composent s’élancent à travers les rochers, franchissent les précipices, se suspendent au-dessus des abîmes et abordent les Piémontais avec une telle impétuosité, que ceux-ci ne peuvent soutenir leur choc et fuient en désordre, abandonnant Saint-Maurice.

De ce village, qu’il vient de quitter, Kellermann écrit à la Convention :

« Le mont Blanc a été envahi il y a quelques jours par un ennemi nombreux, et le mont Blanc est évacué aujourd’hui ;