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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

contre nous, l’Angleterre, l’Espagne et la Hollande. Les anciennes ligues, qui avaient mis la vieille monarchie à deux doigts de sa perte à Fontenoy et à Rosbäch, menaçaient la jeune république ; mais, au chant de la Marseillaise, nous l’avons dit, un miracle s’était produit, la France tout entière s’était levée, et sept armées faisaient face à la fois aux ennemis du dehors et du dedans.

Au moment où les Prussiens avaient pénétré dans la Champagne, et où les Autrichiens avaient envahi les Flandres, le roi de Sardaigne avait cru la France perdue, et il n’avait plus hésité à se joindre à la coalition et à mettre son armée sur le pied de guerre ; inquiet de ces démonstrations, le gouvernement avait envoyé le général Montesquiou en observation dans le Midi. Il y était à peine depuis un mois, que, convaincu que la France pouvait compter désormais le roi de Sardaigne au nombre de ses ennemis, il envoya au gouvernement le plan de l’invasion de la Savoie. Après de grandes difficultés suivies même d’une disgrâce momentanée, le général Montesquiou reçut l’ordre de mettre ses projets à exécution. Il transporta son camp aux Abrelles, et ordonna au général Anselme, qui commandait le camp du Var, de faire ses dispositions pour entrer vers la fin de septembre dans le comté de Nice, et de combiner ses mouvements avec ceux de la flotte qui, sous le commandement de l’amiral Truguet, s’organisait dans le port de Toulon.

De leur côté, les Piémontais, à la vue de nos préparatifs d’invasion, s’étaient hâtés de se mettre en défense ; trois redoutes avaient été élevées, l’une près de Champareille, et les deux autres aux abîmes de Miaux. Montesquiou laissa les travaux grandir, les retranchements s’achever. Puis, au moment où il apprit que les Piémontais allaient y conduire du canon, il lança, pour les tourner, le maréchal de camp Laroque avec le deuxième bataillon de chasseurs et quelques grenadiers. Les Piémontais, qui n’étaient pas en mesure complète de se défendre, n’essayèrent pas même de résister, et, nous abandonnant les ouvrages qu’ils venaient d’achever avec si grande peine, ils prirent la fuite sans même tirer un coup de fusil.