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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


XXV


L’abbé Conseil. — Ma bourse au séminaire. — Ma mère, à force d’instances me décide à y entrer. — L’encrier de corne. — Cécile chez l’épicier. — Ma fuite.

Cependant j’allais avoir dix ans. Il était temps de s’occuper sérieusement de mon éducation morale. Quant à l’éducation physique, elle allait son train : je lançais des pierres comme David, je tirais de l’arc comme un soldat des îles Baléares, je montais à cheval comme un Numide ; seulement, je ne montais ni aux arbres ni aux clochers.

J’ai beaucoup voyagé ; j’ai, soit dans les Alpes, soit en Sicile, soit dans les Calabres, soit en Espagne, soit en Afrique, passé par de biens mauvais pas ; mais j’y suis passé parce qu’il fallait y passer. Moi seul, à l’heure qu’il est, sais ce que j’ai souffert en y passant. Cette terreur toute nerveuse, et par conséquent inguérissable, est si grande, que, si l’on me donnait le choix, j’aimerais mieux me battre en duel que de monter en haut de la colonne de la place Vendôme.

Je suis monté un jour, avec Hugo, en haut des tours de Notre-Dame ; je sais ce qu’il m’en a coûté de sueur et de frissons.

Revenons donc à mon éducation morale, dont il était temps de s’occuper sérieusement.

On avait sollicité pour moi des entrées gratuites à tous les collèges destinés aux fils d’officiers supérieurs. Mais, quelles que fussent les instances faites, on n’avait pu obtenir ni mon admission au Prytanée, ni une bourse dans aucun lycée impérial.

Si j’avais été quelque chose à cette époque, je me ferais l’honneur de croire que j’avais hérité de la haine que Bonaparte portait à mon père.

Aucune des demandes faites pour moi n’avait donc réussi,