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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Le lendemain, il était mort, le sourire sur les lèvres.

Hélas ! une pierre pareille à celle qui couvrait le tombeau de Demoustier, c’était l’ambition de ma mère. Mais elle n’était pas assez lâche pour consacrer, aux dépens des vivants, cette prodigalité aux morts.

Je présume que c’est de ces promenades accomplies avec ma mère au cimetière de Viilers-Cotterets qu’est née ma prédilection pour les cimetières, mais pour les cimetières de village, bien entendu ; — rien ne m’impressionne encore autant aujourd’hui : — touchant aux églises avec leur maigre saule pleureur, leurs pierres à moitié brisées et leurs croix peintes en noir, avec une simple inscription blanche disant le nom et l’âge du trépassé.

Hélas ! si je retournais maintenant dans le nôtre, outre la tombe de ma mère, combien de tombes amies y retrouverais-je ! Presque tous ceux que j’ai connus dans mon enfance sont là, et, comme le Christ au commencement de la Rome chrétienne, je puis dire : « J’ai plus d’amis dessous que dessus. »

Que ceux qui se donnent la peine d’étudier les plus petites choses étudient les différentes localités où s’est passée mon enfance ; les Fossés, Antilly, la chambre restreinte de l’hôtel de l’Épée, les ruines du château de Villers-Cotterets, la maison et le jardin de ville de M. Deviolaine, le cloître de Saint-Remy, le château de Villers-Hellon, le grand parc de François Ier, de Henri II et de Henri IV, et le petit cimetière du Pieux, — c’est ainsi qu’on appelle l’endroit où est situé le cimetière de Viilers-Cotterets, — et ils se rendront compte de toutes les différentes nuances de mes productions, et, en allant plus loin, des variations de mon caractère.

À tout cela j’ai dû un grand respect pour toutes les choses saintes, une grande foi dans la Providence, un grand amour en Dieu. Jamais, dans le cours d’une vie déjà assez longue, je n’ai eu, aux heures les plus douloureuses de cette vie, ni une minute de doute, ni un instant de désespoir ; je n’oserais pas dire que je suis sûr de l’immortalité de mon âme, mais je dirai que je l’espère. Seulement, je crois que la mort, c’est l’oubli du passé sans être la renonciation à l’avenir. Si l’on