XXIII
Très-jeune, je l’ai dit, grâce au Buffon de madame Darcourt, à la Bible de M. Collard et surtout aux bons soins de ma mère, j’avais appris à lire. De son côté, ma sœur, en pension à Paris, mais revenant aux vacances passer six semaines avec nous, avait complété mon éducation première en m’apprenant à écrire.
À cinq ou six ans, je possédais donc ces deux talents à un degré supérieur, ce qui me rendait d’une fatuité étrange. Je me vois encore en jaquette d’indienne, haut comme une botte à l’écuyère ; — ainsi que les Romains, je n’ai quitté la robe prétexte qu’à quinze ans ; — je me vois encore me mêlant, plein de pédantisme, aux conversations des grandes personnes, où j’apportais le trésor d’éducation profane et sacrée que j’avais puisé dans la mythologie et dans la Bible, les notions d’histoire naturelle que je devais à M. de Buffon et à M. Daudin, les connaissances géographiques que j’empruntais à Robinson Crusoe, et les idées sociales et politiques que j’avais prises au sage Idoménée, fondateur de Salente.
C’était surtout en mythologie que j’étais fort. Outre les Lettres à Émilie sur la mythologie, de mon compatriote Demoustier, que je savais par cœur, je possédais une Mythologie de la Jeunesse, ornée de gravures et entrelardée de vers de Racine et de Saint-Ange, que je dévorais éternellement. Pas un dieu, pas une déesse, pas un demi-dieu, pas un faune, pas une dryade, pas un héros dont je ne connusse la filiation. Hercule et ses douze travaux, Jupiter et ses vingt transforma-