— Ah bien, oui, à ma porte ! est-ce qu’elle passe à ma porte, la vieille sorcière ? Elle entre dans ma chambre à coucher, je ne sais pas seulement par où !
— Par la cheminée, peut-être ?
— Il n’y en a pas. Et, d’ailleurs, je ne la vois que lorsque je la sens quand elle me piétine sur la poitrine : vlan ! vlan ! vlan !
— Enfin, où as-tu mis le piège ?
— Le pierge ? Je l’ai mis sur mon estomac, donc.
— Et quel piège as-tu mis ?
— Oh ! un fameux pierge, avec une chaîne de fer que j’ai passée à mon poignet. Il pesait bien dix livres. Oh ! oui, dix à douze livres au moins.
— Et cette nuit-là ?
— Oh ! cette nuit-là, ç’a été bien pis. Ordinairement, c’était avec des galoches qu’elle me pétrissait la poitrine ; cette nuit-là, elle est venue avec des sabots.
— Et elle vient comme cela ?…
— Toutes les nuits que le bon Dieu fait. Aussi j’en maigris que je deviens étique ; mais, ce matin, j’ai pris mon parti.
— Et quel parti as-tu pris, Mocquet ?
— J’ai pris le parti de lui flanquer un coup de fusil, donc.
— C’est un parti sage. Et quand dois-tu le mettre à exécution.
— Oh ! ce soir ou demain, général.
— Diable ! et moi qui voulais t’envoyer à Villers-Hellon.
— Oh ! ça ne fait rien, général. Était-ce pressé, ce que j’allais faire ?
— Très-pressé.
— Eh bien, je peux aller à Villers-Hellon, il n’y a que quatre lieues, et être revenu ce soir. Ça fait huit lieues dans la journée. Nous en avons avalé bien d’autres en chassant, général.
— C’est dit, Mocquet. Je vais te donner une lettre pour M. Collard, et tu partiras.
— Et je partirai, oui, général.
Mon père se leva et écrivit à M. Collard.