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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

lyte de nettoyer la cage assez souvent pour qu’elle ne sentit pas le renfermé.

Je ne me rappelle pas s’il obéit bien ponctuellement. D’ailleurs, un autre événement préoccupait la maison.


XVII


Le cauchemar de Mocquet. — Son brûle-gueule. — La mère Durand. — Les bêtes fausses et le pierge. — M. Collard. — Le remède de mon père. — Guérison radicale de Mocquet.

Mocquet avait le cauchemar.

Savez-vous ce que c’est que le cauchemar ? Oui, car vous avez vu ce monstre aux gros yeux, assis sur la poitrine d’un homme endormi et haletant.

De qui est la lithographie ? Je ne m’en souviens pas ; mais je l’ai vu comme vous l’avez vu.

Seulement, le cauchemar de Mocquet, ce n’était pas un singe aux gros yeux, monstre fantastique éclos dans l’imagination d’Hugo, et reproduit par le pinceau de Delacroix, par le crayon de Boulanger ou par le ciseau de Feuchères ; non, c’était une petite vieille, habitant le village d’Haramont, distant d’un quart de lieue de notre château des Fossés, et que Mocquet tenait pour son ennemie personnelle.

Mocquet entra un jour, dès le matin, dans la chambre de mon père, encore couché, et s’arrêta devant son lit :

— Eh bien, Mocquet, demanda mon père, qu’y a-t-il ? et pourquoi cet air funèbre ?

— Il y a, mon général, répondit gravement Mocquet, que je suis cauchemardé.

Mocquet, sans s’en douter, avait enrichi la langue d’un verbe actif.

— Tu es cauchemardé ? Oh ! oh ! fit mon père en se soulevant sur le coude.

— Oui, général.