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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

enlevés. Je lus et relus si souvent l’article recommandé, que j’en arrivai à connaître à peu près par cœur les remèdes applicables aux différents cas d’empoisonnement que l’on pourrait tenter sur moi.

» Cependant, durant les huit premiers jours, notre situation fut tolérable ; nous jouissions de la promenade, devant la porte de notre logement, sur un espace d’environ trente toises. Mais, sous prétexte que les Français venaient de s’emparer de Naples, le gouverneur nous déclara, vers la fin de la première semaine, que la promenade nous était désormais interdite ; et, le même jour, nous vîmes des serruriers poser des verrous à toutes nos portes et des maçons exhausser les murs d’une cour de douze pieds de long sur huit de large qui nous restait pour prendre l’air.

» C’est alors que nous nous posâmes vainement ce dilemme : Ou nous sommes prisonniers de guerre, et l’on nous doit le traitement alloué au grade de général prisonnier ; ou nous ne sommes pas prisonniers de guerre, et alors on doit nous remettre en liberté.

» Pendant huit mois, nous fûmes obligés de vivre à nos frais, rançonnés par tout le monde et payant chaque objet le double de sa valeur.

» Au bout de huit mois, un ordre du roi nous fut communiqué, par lequel il était accordé à chacun de nous dix carlins par jour.

» Cela faisait quatre francs dix sous, à peu près, de notre monnaie de France ; et, sur ces quatre francs dix sous, nous devions défrayer nos domestiques.

» On eût pu cependant doubler notre solde, la détermination étant prise de ne pas nous la payer longtemps.

« J’avais quitté l’Égypte à cause du mauvais état de ma santé. Mes amis, qui voyaient dans mes souffrances une nostalgie pure et simple, criaient à la maladie imaginaire ; moi seul me sentais malade réellement et me rendais compte de la gravité de ma maladie.

« Une attaque de paralysie, qui me frappa la joue gauche, vint malheureusement, quelques jours après mon entrée au