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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Naples, traînant à la remorque les débris de nos vaisseaux, que le roi, la reine, l’ambassadeur d’Angleterre Hamilton, et la belle Emma Lyons, sa femme, s’embarquèrent sur des vaisseaux splendidement décorés, et s’avancèrent à la rencontre du vainqueur.

Ô belle et fatale Emma Lyons ! quel sera l’historien qui osera se faire le Tacite de votre vie ? quel sera le poëte qui osera faire le journal de vos passions ? Favorite de Caroline ! maîtresse de Nelson ! quel sera le bourreau qui osera additionner le chiffre de vos victimes ?

Toute cette splendide cour se rendit donc au-devant de Nelson : le roi pour lui offrir une épée, la reine pour lui offrir une maîtresse. Le soir, la ville fut illuminée, et il y eut bal au palais.

Nelson parut avec Ferdinand au balcon royal, et l’on cria ;

— Vive Ferdinand ! vive Nelson !

Et tout cela se passait en face de notre ambassadeur, Garat, qui assistait à la chute de notre influence et à l’accroissement de l’influence anglaise.

Aussi se plaignit-il.

Mais il lui fut répondu que la flotte anglaise n’avait été reçue dans le port de Naples qu’à la suite de la menace qu’avait faite l’amiral Nelson de bombarder la ville.

La réponse était illusoire, et cependant notre ambassadeur dut s’en contenter.

C’est ainsi qu’il vit s’organiser une armée de soixante mille hommes, à la tête de laquelle on mit le général autrichien Mack, auquel ses défaites successives acquirent une certaine célébrité.

Dès cette heure, la guerre contre la France fut résolue. L’armée napolitaine, sous le commandement du général autrichien, fut divisée en trois camps.

Vingt-deux mille soldats furent envoyés à San-Germano ; seize mille occupèrent les Abruzzes ; huit mille campèrent dans la plaine de Sessa ; six mille s’enfermèrent dans les murs de Gaete.

Cinquante-deux mille hommes s’apprêtaient aussi à en-