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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

nous avons jeté deux mille mamelouks des mieux montés dans le Nil.

» Envoyez-nous les imprimeries arabes et françaises. Veillez à ce que l’on embarque tous les vins, eaux-de-vie, tentes, souliers ; envoyez tous ces objets par mer à Rosette, et, vu la croissance du Nil, ils remonteront facilement jusqu’au Caire.

» J’attends des nouvelles de votre santé ; je désire qu’elle se rétablisse promptement et que vous veniez bientôt nous rejoindre.

» J’ai écrit à Louis de partir pour Rosette avec tous mes effets.

» À l’instant même, je trouve, dans un jardin des mamelouks, une lettre de Louis datée du 21 messidor, ce qui prouve qu’un de vos courriers a été intercepté par les mamelouks.

» Salut.xxxxx
» Bonaparte. »

Vers le temps où la pénurie du numéraire se faisait sentir à ce point, que Bonaparte ne craignait pas de redemander aux négociants des lingots d’or et d’argent qui étaient pour eux le gage de l’argent prêté, leur offrant en échange des grains qui, dans le pays, n’avaient aucune valeur, — mon père, en faisant des embellissements dans la maison qu’il occupait et qui avait appartenu à un bey, trouva un trésor. Ce trésor, que le propriétaire de la maison, dans sa fuite rapide, n’avait pas eu le temps d’emporter, fut estimé à près de deux millions.

Mon père écrivit à l’instant même à Bonaparte :

« Citoyen général,

« Le léopard ne change pas de peau, l’honnête homme ne change pas de conscience.

» Je vous envoie un trésor que je viens de trouver, et que l’on estime à près de deux millions.

» Si je suis tué, ou si je meurs ici de tristesse, souvenez-