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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

jets pouvaient réussir avec les armées antiques, composées d’affranchis ou d’esclaves, et non avec des patriotes de 1792, qui étaient, non pas les satellites d’un homme, mais les soldats de la nation.

N’y avait-il dans toutes ces récriminations que de simples murmures arrachés par la souffrance ? ou était-ce déjà un commencement de rébellion contre la future ambition de l’homme du 18 brumaire ? C’est ce qu’il eût peut-être été difficile de dire à ceux-là mêmes qui prirent part à cette réunion, mais c’est ce qui fut dénoncé à Bonaparte comme une grave atteinte à son autorité, par un général qui avait crié plus haut que tous les autres pour trouver les pastèques de mon père très-bonnes et les intentions du général en chef très-mauvaises.

Quoi qu’il en soit, ce fut à Rhamanieh, et sous la tente de mon père, que commença cette opposition à laquelle Kléber donna tant de force en s’y ralliant.

Le 12, la flottille, commandée parle chef de division Perrée, arriva de Rosette.

Perrée montait le Cerf.

Bonaparte plaça sur le bâtiment monté par Perrée tous les membres de la commission scientifique : Monge, Fourrier, Costa, Berthollet, Dolomieu, Tallien, etc.

Ils devaient remonter le Nil parallèlement à l’armée française ; leurs chevaux servaient à compléter un petit corps de cavalerie.

On sait comment cette flottille, poussée par le vent, marcha plus rapidement que l’armée, fut attaquée par la flottille turque et fusillée des deux côtés du Nil par les fellahs. L’ordonnateur Sussy, qui fut depuis le comte de Sussy, eut, dans ce combat, le bras cassé par une balle.

Attiré par le canon, Bonaparte intervint à temps, et, après avoir passé sur le corps de quatre mille mamelouks à Chebreys, il sauva la flottille d’une destruction totale. Huit jours plus tard, Bonaparte livrait la bataille des Pyramides.

Quatre jours après la bataille des Pyramides, c’est-à-dire le