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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

En sortant de chez Bonaparte, mon père rencontra Kléber qui allait y entrer.

— Tu ne sais pas ce que nous allons faire là-bas ? dit-il.

— Nous allons faire une colonie.

— Non. Nous allons refaire une royauté.

— Oh ! oh ! dit Kléber, il faudra voir.

— Eh bien, tu verras.

Et, là-dessus, les deux amis se quittèrent.

Le 19 mai, on mit à la voile.


XI


Traversée. — Débarquement. — Prise d’Alexandrie. — Le Chant du Départ et le concert arabe. — Les prisonniers… épargnés. — Marche sur le Caire. — Le rhum et le biscuit. — Les pastèques de mon père. — L’Institut scientifique. — Bataille des Pyramides. — Mise en scène de la victoire. — Lettre de mon père rétablissant la vérité.

Bonaparte montait l’Orient, magnifique bâtiment de cent vingt canons.

En sortant du port, l’Orient, qui, par son énorme chargement, tirait trop d’eau, toucha le fond ; ce qui occasionna un instant de trouble dans la flotte.

Le contre-maître du Guillaume-Tell, bâtiment sur lequel était monté mon père, secoua tristement la tête : ce contre-maître se nommait Boyer.

— Qu’y a-t-il donc, Boyer ? demanda mon père.

— Il y a, général, qu’il arrivera malheur à la flotte.

— Et pourquoi cela ?

— Parce que le bâtiment amiral a touché ; voyez-vous, cela, c’est immanquable !

Mon père haussa les épaules.

Deux mois après, la flotte était détruite à Aboukir.

On connaît tous les détails de la traversée : on prit Malte en passant, Malte l’imprenable !