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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

aux chefs du gouvernement le drapeau de l’armée d’Italie. Ce drapeau de l’armée d’Italie était plus qu’un drapeau ; c’était un monument, monument fabuleux de cette fabuleuse campagne.

Sur une de ses faces étaient inscrits ces mots :

À L’ARMÉE D’ITALIE LA PATRIE RECONNAISSANTE.

L’autre face portait l’énumération des combats livrés et des places prises ; puis des inscriptions abrégées, simples et magnifiques, de la campagne qui venait de s’accomplir.

En passant à Mantoue, Bonaparte s’y était arrêté. Il avait visité le monument que le général Miollis élevait à Virgile, et avait fait célébrer une fête militaire en l’honneur de Hoche, qui venait de mourir, selon toute probabilité, empoisonné.

Bonaparte traversa la Suisse ; en sortant de Moudon, où on lui avait fait une réception brillante, sa voiture s’était brisée.

Il continua sa route à pied ; et, près de l’ossuaire de Morat, qui n’était pas encore détruit par Brune :

— Où était le champ de bataille du duc de Bourgogne ? demanda cet autre Téméraire, qui, lui aussi, devait avoir son ossuaire.

— Là, général, lui dit un officier suisse en lui montrant ce qu’il désirait voir.

— Combien avait-il d’hommes ?

— Soixante mille, sire.

— Comment a-t-il été attaqué ?

— Par les Suisses descendus des montagnes voisines, et qui, à la faveur d’un bois qui existait alors, ont tourné les Bourguignons.

— Comment ! s’écria-t-il, Charles le Téméraire avait soixante mille hommes, et il n’a pas occupé ces montagnes ?

Et le vainqueur de l’Italie haussa les épaules.

— Les Français d’aujourd’hui combattent mieux que cela, dit Lannes.