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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Pauvre municipalité d’Adria, qui, dans son adresse à mon père, datait de l’an ii de la liberté italienne !

Pendant ce séjour sur le Tagliamento, séjour qui, comme nous l’avons dit, avait pour but de presser les négociations autrichiennes ; mon père allait dîner trois fois par semaine au quartier général de Bonaparte.

Ce fut là qu’il fit connaissance plus sérieuse avec Joséphine, qu’il avait déjà rencontrée à Milan, et qui lui conserva, même après sa disgrâce, une vive amitié, une amitié de créole à créole.

D’un autre côté, on se réunissait une fois par semaine à Udine. C’était Bernadotte qui commandait dans cette ville ; après le spectacle, on établissait, comme nous faisons en France, un plancher dans la salle, et l’on dansait toute la nuit.

Bonaparte, comme on le comprend bien, dansait peu ; mais mon père, mais Murat, mais Clarke, mais les jeunes aides de camp dansaient beaucoup.

Le lendemain de la signature du traité de Campo-Formio, le bal fut ouvert par un quadrille composé de Joséphine dansant avec Clarke ; de madame Pauline Bonaparte, dansant avec Murat ; de mademoiselle Caroline Bonaparte, dansant avec Dermoncourt, et de madame César Berthier, dansant avec mon père.

Le traité de Campo-Formio signé, Bonaparte partit pour Paris, et descendit dans sa petite maison de la rue de la Victoire, qu’il venait d’acheter à Talma.

C’est là que fut rêvée et mise à exécution la campagne d’Égypte.

Bonaparte, avec plus de succès que le héros carthaginois, venait de faire en Italie à peu près ce qu’avait fait Annibal. Il lui restait à faire en Orient ce qu’y avaient fait Alexandre et César.

Mais, auparavant, Bonaparte avait acquitté envers mon père et envers Joubert une dette de reconnaissance.

Il avait présenté mon père au Directoire exécutif comme l’Horatius Coclès du Tyrol, et il avait chargé Joubert d’offrir