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En arrivant dans la cour, elles entendirent le bruit d’une voiture qui s’arrêtait à la porte.

Milady écouta.

— Entendez-vous ? dit-elle.

— Oui, le roulement d’une voiture.

— C’est celle que mon frère nous envoie.

— Oh ! mon Dieu !

— Voyons, du courage !

On sonna à la porte du couvent, milady ne s’était pas trompée.

— Montez dans votre chambre, dit-elle à Mme Bonacieux, vous avez bien quelques bijoux que vous désirez emporter.

— J’ai ses lettres, dit-elle.

— Eh bien ! allez les chercher et venez me rejoindre chez moi ; nous souperons à la hâte, peut-être voyagerons-nous une partie de la nuit : il faut prendre des forces.

— Grand Dieu ! dit Mme Bonacieux en mettant sa main sur sa poitrine, le cœur m’étouffe, je ne puis marcher !

— Du courage ! allons, du courage ! pensez que dans un quart d’heure vous êtes sauvée, et songez que ce que vous allez faire, c’est pour lui que vous le faites.

— Oh ! oui, tout, tout pour lui. Vous m’avez rendu mon courage par un seul mot. Allez, je vous rejoins.

Milady monta vivement chez elle ; elle y trouva le laquais de Rochefort et lui donna ses instructions.

Il devait attendre à la porte ; si par hasard les mousquetaires paraissaient, la voiture partait au galop, faisait le tour du couvent, et allait attendre milady à un petit village qui était situé de l’autre côté du bois.

Dans ce cas, milady traversait le jardin et gagnait le village à pied ; nous l’avons dit déjà, milady connaissait à merveille cette partie de la France.

Si les mousquetaires ne paraissaient pas, les choses allaient comme il était convenu. Mme Bonacieux montait dans la voiture sous prétexte de lui dire adieu et milady enlevait Mme Bonacieux.

Mme Bonacieux entra, et pour lui ôter tout soupçon si elle en avait, milady répéta devant elle au laquais toute la dernière partie de ses instructions.

Milady fit quelques questions sur la voiture ; c’était une chaise attelée de trois chevaux, conduite par un postillon : le laquais de Rochefort devait la précéder en courrier.

C’était à tort que milady craignait que Mme Bonacieux eût des soupçons, la pauvre jeune femme était trop pure pour soupçonner dans une autre femme une telle perfidie ; d’ailleurs le nom de la comtesse de Winter, qu’elle avait entendu prononcer par l’abbesse, lui était parfaitement inconnu, et elle ignorait même qu’une femme eût eu une part si grande et si fatale aux malheurs de sa vie.

— Vous le voyez, dit milady, lorsque le laquais fut sorti, tout est prêt. L’abbesse ne se doute de rien et croit qu’on me vient chercher de la part du cardinal. Cet homme va donner les derniers ordres : prenez la moindre chose, buvez un doigt de vin et partons.