Page:Dumas - Les Trois Mousquetaires - 1849.pdf/495

Cette page a été validée par deux contributeurs.

M. de Tréville, prévenu par Son Éminence, fit son portemanteau, et, comme, sans en connaître la cause, il savait le vif désir et même l’impérieux besoin que ses amis avaient de revenir à Paris, il les désigna pour faire partie de l’escorte.

Les quatre jeunes gens surent la nouvelle un quart d’heure après M. de Tréville, car ils furent les premiers à qui il la communiqua. Ce fut alors que d’Artagnan apprécia la faveur que lui avait accordée le cardinal en le faisant enfin passer aux mousquetaires. Sans cette circonstance, il était forcé de rester au camp, tandis que ses compagnons partaient.

On verra plus tard que cette impatience de remonter vers Paris avait pour cause le danger que devait courir Mme Bonacieux en se rencontrant au couvent de Béthune avec milady, son ennemie mortelle. Aussi, comme nous l’avons dit, Aramis avait écrit immédiatement à Marie Michon, cette lingère de Tours qui avait de si belles connaissances, pour qu’elle obtînt que la reine donnât l’autorisation à Mme Bonacieux de sortir du couvent et de se retirer soit en Lorraine, soit en Belgique. La réponse ne s’était pas fait attendre, et huit ou dix jours après, Aramis avait reçu cette lettre :

« Mon cher cousin, voici l’autorisation de ma sœur à retirer notre petite servante du couvent de Béthune, dont vous pensez que l’air est mauvais pour elle ; ma sœur vous envoie cette autorisation avec grand plaisir, car elle aime fort cette petite fille, à laquelle elle se réserve d’être utile plus tard.

« Je vous embrasse,
« MARIE MICHON. »

À cette lettre était jointe une autorisation ainsi conçue :

« La supérieure du couvent de Béthune remettra aux mains de la personne qui lui remettra ce billet la novice qui était entrée dans son couvent sous ma recommandation et sous mon patronage.

« Au Louvre, le 10 août 1628.

« ANNE. »

On comprend combien ces relations de parenté entre Aramis et une lingère qui appelait la reine sa sœur avaient égayé la verve des jeunes gens ; mais Aramis, après avoir rougi deux ou trois fois jusqu’au blanc des yeux aux grosses plaisanteries de Porthos, avait prié ses amis de ne plus revenir sur ce sujet, déclarant que s’il lui en était dit encore un seul mot, il n’emploierait plus sa cousine comme intermédiaire dans ces sortes d’affaires.

Il ne fut donc plus question de Marie Michon entre les quatre mousquetaires, qui d’ailleurs avaient ce qu’ils voulaient, l’ordre de tirer Mme Bonacieux du couvent des Carmélites de Béthune. Il est vrai que cet ordre ne leur servirait pas à grand’chose tant qu’ils seraient au camp de La Rochelle, c’est-à-dire à l’autre bout de la France. Aussi d’Artagnan allait-il demander un congé à M. de Tréville, en lui confiant tout bonnement l’importance de son départ, lorsque cette nouvelle lui fut transmise, ainsi qu’à ses trois compagnons, que le roi allait partir pour Paris avec une escorte de vingt mousquetaires et qu’ils faisaient partie de l’escorte.

La joie fut grande. On envoya les valets devant avec les bagages, et l’on partit le 16 au matin.

Le cardinal reconduisit Sa Majesté de Surgères à Mauzes, et là le roi et son