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Il faisait une belle journée d’été, et un rayon de ce pâle soleil d’Angleterre qui éclaire, mais qui n’échauffe pas, passait à travers les barreaux de la prison.

Milady regardait par sa fenêtre et fit semblant de ne pas entendre la porte qui s’ouvrait.

— Ah ! ah ! dit lord de Winter, après avoir fait de la comédie, après avoir fait de la tragédie, voilà que nous faisons de la mélancolie.

La prisonnière ne répondit pas.

— Oui, oui, continua lord de Winter, je comprends ; vous voudriez bien être en liberté sur ce rivage ; vous voudriez bien, sur un bon navire, fendre les flots de cette mer, verte comme de l’émeraude ; vous voudriez bien, soit sur terre, soit sur l’Océan, me dresser une de ces bonnes petites embuscades comme vous savez si bien les combiner. Patience ! patience ! dans quatre jours le rivage vous sera permis, la mer vous sera ouverte, plus ouverte que vous ne voudrez, car dans quatre jours l’Angleterre sera débarrassée de vous.

Milady joignit les mains, et levant ses beaux yeux vers le ciel :

— Seigneur ! Seigneur, dit-elle avec une angélique suavité de geste et d’intonation, pardonnez à cet homme comme je lui pardonne moi-même !

— Oui, prie, maudite ! s’écria le baron, ta prière est d’autant plus généreuse que tu es, je te le jure, au pouvoir d’un homme qui ne pardonnera pas.

Et il sortit.

Au moment où il sortait, un regard perçant glissa par la porte entrebâillée, et elle aperçut Felton qui se rangeait rapidement pour n’être pas vu d’elle.

Alors elle se jeta à genoux et se mit à prier.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! dit-elle, vous savez pour quelle sainte cause je souffre ; donnez-moi donc la force de souffrir.

La porte s’ouvrit doucement ; la belle suppliante fit semblant de n’avoir pas entendu, et, d’une voix pleine de larmes, elle continua :

— Dieu vengeur ! Dieu de bonté ! laisserez-vous s’accomplir les affreux projets de cet homme !

Alors seulement elle feignit d’entendre le bruit des pas de Felton, et, se relevant rapide comme la pensée, elle rougit comme si elle avait été honteuse d’avoir été surprise à genoux.

— Je n’aime point à déranger ceux qui prient, madame, dit gravement Felton, ne vous dérangez donc pas pour moi, je vous en conjure.

— Comment savez-vous que je priais, monsieur ? dit milady d’une voix suffoquée par les sanglots ; vous vous trompiez, monsieur, je ne priais pas.

— Pensez-vous donc, madame, répondit Felton de sa même voix grave, quoique avec un accent plus doux, que je me croie le droit d’empêcher une créature de se prosterner devant son Créateur ? À Dieu ne plaise ! D’ailleurs, le repentir sied bien aux coupables, quelque crime qu’ils aient commis ; un coupable m’est sacré aux pieds de Dieu.

— Coupable, moi ! dit milady avec un sourire qui eût désarmé l’ange du jugement dernier. Coupable ! ô mon Dieu ! tu sais si je le suis ! Dites que je suis condamnée, monsieur, à la bonne heure ! mais, vous le savez, Dieu, qui aime les martyrs, permet que l’on condamne quelquefois les innocents.

— Fussiez-vous condamnée, fussiez-vous innocente, fussiez-vous martyre,