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je suis pour vous non seulement un protecteur, mais un ami, non seulement un bienfaiteur, mais un père. Cette femme est revenue en Angleterre afin d’y conspirer contre ma vie ; je tiens ce serpent entre mes mains ; eh bien, je vous fais appeler et vous dis : Ami Felton, John, mon enfant, garde-moi et surtout garde-toi de cette femme. Jure sur ton salut de la conserver pour le châtiment qu’elle a mérité ! John Felton, je crois à ta loyauté.

— Milord, dit le jeune officier en chargeant son regard pur de toute la haine qu’il put trouver dans son cœur ; milord, je vous jure qu’il sera fait comme vous désirerez.

Milady reçut ce regard en victime résignée : il était impossible de voir une expression plus soumise et plus douce que celle qui régnait alors sur son beau visage. À peine si lord de Winter lui-même reconnut la tigresse qu’un instant auparavant il s’apprêtait à combattre.

— Elle ne sortira jamais de cette chambre, entendez-vous, John, continua le baron ; elle ne correspondra avec personne, elle ne parlera qu’à vous, si toutefois vous voulez bien lui faire l’honneur de lui adresser la parole.

— Il suffit, milord, j’ai juré.

— Et maintenant, madame, dit le baron, tâchez de faire votre paix avec Dieu, car vous êtes jugée par les hommes.

Milady laissa tomber sa tête comme si elle s’était sentie écrasée par ce jugement. Lord de Winter sortit en faisant un geste à Felton, qui sortit derrière lui et ferma la porte.

Un instant après on entendait dans le corridor le pas pesant d’un soldat de marine qui faisait sentinelle sa hache à la ceinture et sa pique à la main.

Milady demeura pendant quelques minutes dans la même position, car elle songea qu’on l’examinait peut-être par la serrure ; puis lentement elle releva sa tête, qui avait repris une expression formidable de menace et de défi ; elle courut écouter à la porte, regarda par la fenêtre, et, revenant s’enterrer dans un vaste fauteuil, elle songea....