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canon du fusil, il s’étonnait de la longanimité de Son Éminence à son égard.

Mais d’Artagnan secoua la tête d’un air de doute. Pour les gens vers lesquels elle n’avait qu’à étendre la main, le cardinal recourait rarement à de pareils moyens.

Ce pouvait être une vengeance de milady.

Cette conjoncture était plus raisonnable.

Il chercha inutilement à se rappeler ou les traits ou le costume des assassins ; mais il s’était éloigné d’eux si rapidement, qu’il n’avait eu le loisir de rien remarquer.

— Ah ! mes pauvres amis, murmura d’Artagnan, où êtes-vous ? et que vous me faites faute !

D’Artagnan passa une fort mauvaise nuit. Trois ou quatre fois il se réveilla en sursaut, se figurant qu’un homme s’approchait de son lit pour le poignarder. Cependant le jour parut sans que l’obscurité eût amené aucun incident.

Mais d’Artagnan se douta bien que ce qui était différé n’était pas perdu.

D’Artagnan resta toute la journée dans son logis ; il se donna pour excuse vis-à-vis de lui-même que le temps était mauvais.

Le surlendemain à neuf heures, on battit aux champs. Le duc d’Orléans visitait les postes. Les gardes coururent aux armes ; d’Artagnan prit son rang au milieu de ses camarades.

Monsieur passa sur le front de bataille ; puis tous les officiers supérieurs s’approchèrent de lui pour lui faire leur cour. M. des Essarts, capitaine des gardes, s’approcha comme les autres.

Au bout d’un instant, il parut à d’Artagnan que M. des Essarts lui faisait signe de venir à lui : il attendit un nouveau geste de son supérieur, craignant de se tromper, et ce geste s’étant renouvelé, il quitta les rangs et s’avança pour prendre l’ordre.

— Monsieur va demander des hommes de bonne volonté pour une mission dangereuse, mais qui fera honneur à ceux qui l’auront accomplie, et je vous ai fait signe, afin que vous vous tinssiez prêt.

— Merci, mon capitaine, répondit d’Artagnan, qui ne demandait pas mieux que de se distinguer sous les yeux du lieutenant-général.

En effet, les Rochelois avaient fait une sortie pendant la nuit et avaient repris un bastion dont l’armée royaliste s’était emparée deux jours auparavant ; il s’agissait de pousser une reconnaissance perdue pour voir comment l’armée gardait ce bastion.

Au bout de quelques instants, Monsieur éleva la voix et dit :

— Il me faudrait pour cette mission trois ou quatre volontaires, conduits par un homme sûr.

— Quant à l’homme sûr, je l’ai sous la main, Monseigneur, dit M. des Essarts en montrant d’Artagnan, et quant aux quatre ou cinq volontaires, Monseigneur n’a qu’à faire connaître ses intentions, et les hommes ne lui manqueront pas.

— Quatre hommes de bonne volonté pour venir se faire tuer avec moi ! dit d’Artagnan en levant son épée.

Deux de ses camarades aux gardes s’élancèrent aussitôt, et deux soldats s’étant joints à eux, il se trouva que le nombre demandé était suffisant. D’Artagnan