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qu’une de ses femmes la trahissait, sans savoir dire laquelle. Laporte ne pouvait pas quitter le Louvre ; elle n’avait pas une âme au monde à qui se fier.

Aussi, en présence du malheur qui la menaçait et de l’abandon qui était le sien, éclata-t-elle en sanglots.

— Ne puis-je donc être bonne à rien à Votre Majesté ? dit tout à coup une voix pleine de douceur et de pitié.

La reine se retourna vivement, car il n’y avait pas à se tromper à l’expression de cette voix : c’était une amie qui parlait ainsi.

En effet, à l’une des portes qui donnaient dans l’appartement de la reine apparut la jolie Mme Bonacieux ; elle était occupée à ranger les robes et le linge dans un cabinet, lorsque le roi était entré ; elle n’avait pas pu sortir, et avait tout entendu.

La reine poussa un cri perçant en se voyant surprise, car dans son trouble elle ne reconnut pas d’abord la jeune femme qui lui avait été donnée par Laporte.

— Oh ! ne craignez rien, madame, dit la jeune femme en joignant les mains et en pleurant elle-même des angoisses de la reine ; je suis à Votre Majesté corps et âme, et si loin que je sois d’elle, si inférieure que soit ma position, je crois que j’ai trouvé un moyen de tirer Votre Majesté de peine.

— Vous ! ô Ciel ! vous ! s’écria la reine ; mais voyons, regardez-moi en face. Je suis trahie de tous côtés ; puis-je me fier à vous ?

— Oh ! madame ! s’écria la jeune femme en tombant à genoux : sur mon âme, je suis prête à mourir pour Votre Majesté !

Ce cri était sorti du plus profond du cœur, et, comme le premier, il n’y avait pas à se tromper.

— Oui, continua Mme Bonacieux, oui, il y a des traîtres ici ; mais, par le saint nom de la Vierge, je vous jure que personne n’est plus dévoué que moi à Votre Majesté. Ces ferrets que le roi redemande, vous les avez donnés au duc de Buckingham, n’est-ce pas ? Ces ferrets étaient enfermés dans une petite boîte en bois de rose qu’il tenait sous son bras ? Est-ce que je me trompe ? Est-ce que ce n’est pas cela ?

— Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! murmura la reine dont les dents claquaient d’effroi.

— Eh bien, ces ferrets, continua Mme Bonacieux, il faut les ravoir ?

— Oui, sans doute, il le faut, s’écria la reine ; mais comment faire, comment y arriver ?

— Il faut envoyer quelqu’un au duc.

— Mais qui ?… qui ?… À qui me fier ?

— Ayez confiance en moi, madame ; faites-moi cet honneur, ma Reine, et je trouverai le messager, moi !

— Mais il faudra écrire !

— Oh ! oui. C’est indispensable. Deux mots de la main de Votre Majesté et votre cachet particulier.

— Mais ces deux mots, c’est ma condamnation : le divorce, l’exil !

— Oui, s’ils tombent entre des mains infâmes ! Mais je réponds que ces deux mots seront remis à leur adresse.

— Oh ! mon Dieu ! il faut donc que je remette ma vie, mon honneur, ma réputation entre vos mains !

— Oui, oui, madame, il le faut, et je sauverai tout cela, moi !