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Les deux frères échangèrent quelques mots trempés de larmes ; puis le premier :

— Et le duc ? demanda Joyeuse à Henri.

— Il est mort, à ce qu’il paraît, répondit celui-ci.

— La nouvelle est-elle sûre ?

— Les gendarmes d’Aunis ont vu son cheval noyé et l’ont reconnu à un signe. Ce cheval tirait encore à son étrier cavalier dont la tête était enfoncée sous l’eau.

— Voilà un sombre jour pour la France, dit l’amiral.

Puis, se retournant vers ses gens :

— Allons, Messieurs, dit-il à haute voix, ne perdons pas de temps. Une fois les eaux écoulées, nous serons attaqués très-probablement ; retranchons-nous jusqu’à ce qu’il nous soit arrivé des nouvelles et des vivres.

— Mais, Monseigneur, répondit une voix, la cavalerie ne pourra marcher ; les chevaux n’ont point mangé depuis hier quatre heures, et les pauvres bêtes meurent de faim.

— Il y a du grain dans notre campement, dit l’enseigne ; mais comment ferons-nous pour les hommes ?

— Eh ! reprit l’amiral, s’il y a du grain, c’est tout ce que je demande : les hommes vivront comme les chevaux.

— Mon frère, interrompit Henri, tâchez, je vous prie, que je puisse vous parler un moment.

— Je vais aller occuper le bourg, répondit Joyeuse, choisissez-y un logement pour moi et m’y attendez.

Henri alla retrouver ses deux compagnons.

— Vous voilà au milieu d’une armée, dit-il à Remy ; croyez-moi, cachez-vous dans le logement que je vais prendre ; il ne convient point que Madame soit vue de qui que ce soit. Ce soir, lorsque chacun dormira, j’aviserai à vous faire plus libres.

Remy s’installa donc avec Diane dans le logement que leur céda l’enseigne des gendarmes, redevenu, par l’arrivée de Joyeuse, simple officier aux ordres de l’amiral.

Vers deux heures, le duc de Joyeuse entra, trompettes