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Le limon fangeux des eaux roulantes avait couvert toutes les campagnes, et c’était un triste spectacle que de voir, au fur et à mesure que le vent soulevait le voile de vapeurs étendu sur la plaine, une cinquantaine de cavaliers enfonçant dans la fange, et tentant de gagner, sans pouvoir y réussir, soit le bourg, soit la colline.

De la colline on avait entendu leurs cris de détresse, et voilà pourquoi les trompettes sonnaient incessamment.

Dès que le vent eut achevé de chasser le brouillard, Henri aperçut sur la colline le drapeau de la France, se déroulant superbement dans le ciel.

Les gendarmes hissaient, de leur côté, la cornette d’Aunis, et de part et d’autre on entendait des feux de mousqueterie tirés en signe de joie.

Vers onze heures, le soleil apparut sur cette scène de désolation, desséchant quelques parties de la plaine, et rendant praticable la crête d’une espèce de chemin de communication.

Henri, qui essayait ce sentier, fut le premier à s’apercevoir, au bruit des fers de son cheval, qu’une route ferrée conduisait, en faisant un détour circulaire, du bourg à la colline ; il en conclut que les chevaux enfonceraient par-dessus le sabot, jusqu’à mi-jambe, jusqu’au poitrail peut-être, dans la fange, mais n’iraient pas plus avant, soutenus qu’ils seraient par le fond solide du sol.

Il demanda de tenter l’épreuve, et, comme personne ne lui faisait concurrence dans ce dangereux essai, il recommanda à l’enseigne Remy et sa compagne, et s’aventura dans le périlleux chemin.

En même temps qu’il partait du bourg, on voyait un cavalier descendre de la colline, et, comme Henri le faisait, tenter, de son côté, de se mettre en chemin pour se rendre au bourg.

Tout le versant de la colline qui regardait le bourg était garni de soldats spectateurs qui levaient leurs bras au ciel