Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Remy n’hésita point : il tira son couteau, coupa une branche de saule, l’introduisit entre la porte et la serrure, et pesa sur le pêne.

La porte s’ouvrit.

Remy entra vivement. Il mettait à toutes ses actions depuis une heure l’activité d’un homme travaillé par la fièvre. La serrure, produit grossier de l’industrie d’un forgeron voisin, avait cédé presque sans résistance.

Remy poussa précipitamment sa compagne dans la maison, poussa la porte derrière lui, tira un verrou massif, et, ainsi retranché, respira comme s’il venait de gagner la vie.

Non content d’avoir abrité ainsi sa maîtresse, il l’installa dans l’unique chambre du premier étage, où, en tâtonnant, il rencontra un lit, une chaise et une table.

Puis, un peu tranquillisé sur son compte, il redescendit au rez-de-chaussée, et, par un contrevent entr’ouvert, il se mit à guetter par une fenêtre grillée les mouvements du comte, qui, en les voyant entrer dans la maison, s’en était rapproché à l’instant même.

Les réflexions de Henri étaient sombres et en harmonie avec celles de Remy.

— Bien certainement, se disait-il, quelque danger inconnu à nous, mais connu des habitants, plane sur le pays : la guerre ravage la contrée ; les Français ont emporté Anvers ou vont l’emporter : saisis de terreur, les paysans ont été chercher un refuge dans les villes.

Cette explication était spécieuse, et cependant elle ne satisfaisait pas le jeune homme.

D’ailleurs elle le ramenait à un autre ordre de pensées.

— Que vont faire de ce côté Remy et sa maîtresse ? se demandait-il. Quelle impérieuse nécessité les pousse vers ce danger terrible ? Oh ! je le saurai, car le moment est enfin venu de parler a cette femme et d’en finir à jamais avec tous mes doutes. Nulle part encore l’occasion ne s’est présentée aussi belle.