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çants lui avaient-ils échappé, peut-être n’avait-elle rien vu.

— Il est toujours là ? demanda-t-elle.

— Oh ! ce n’est plus de lui qu’il est question, répondit Remy ; ne songez plus à lui, je vous prie ; il est seul, et je vaux un homme seul. Non, le danger que je crains, ou plutôt que je sens, que je devine, avec un sentiment d’instinct bien plutôt qu’à l’aide de ma raison ; ce danger, qui s’approche, qui nous menace, qui nous enveloppe peut-être, ce danger est autre ; il est inconnu, et voilà pourquoi je l’appelle un danger.

La dame secoua la tête.

— Tenez, Madame, dit Remy, voyez-vous là-bas des saules qui courbent leurs cimes noires ?

— Oui.

— À côté de ces arbres j’aperçois une petite maison ; par grâce, allons-y ; si elle est habitée, raison de plus pour que nous y demandions l’hospitalité ; si elle ne l’est pas, emparons-nous-en, Madame ; ne faites pas d’objection, je vous en supplie.

L’émotion de Remy, sa voix tremblante, l’incisive persuasion de ses discours décidèrent sa compagne à céder.

Elle tourna la bride de son cheval dans la direction indiquée par Remy.

Quelques minutes après, les voyageurs heurtaient à la porte de cette maison, bâtie en effet sous un massif de saules.

Un ruisseau, affluent de la Nethe, petite rivière qui coulait à un quart de lieue de là ; un ruisseau, enfermé entre deux bras de roseaux et deux rives de gazon, baignait le pied des saules de son eau murmurante ; derrière la maison, bâtie en briques et couverte de tuiles, s’arrondissait un petit jardin, enclos d’une haie vive.

Tout cela était vide, solitaire, désolé.

Personne ne répondit aux coups redoublés que frappèrent les voyageurs.