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Ils arrivèrent à Villebrock.

Des deux cents maisons dont se composait ce bourg, pas une n’était habitée ; quelques chiens oubliés, quelques chats perdus couraient effarés dans cette solitude, les uns appelant leurs maîtres avec de longs hurlements, les autres fuyant légèrement, et s’arrêtant, lorsqu’ils se croyaient en sûreté, pour montrer leur museau mobile, sous la traverse d’une porte ou par le soupirail d’une cave.

Remy heurta en vingt endroits, ne vit rien, et ne fut entendu de personne.

De son côté, Henri, qui semblait une ombre attachée aux pas des voyageurs, de son côté Henri s’était arrêté à la première maison du bourg, avait heurté à la porte de cette maison, mais tout aussi inutilement que ceux qui le précédaient ; et alors ayant deviné que la guerre était cause de cette désertion, il attendait pour se remettre en route que les voyageurs eussent pris un parti.

C’est ce qu’ils firent, après que leurs chevaux eurent déjeuné avec le grain que Remy trouva dans le coffre d’une hôtellerie abandonnée.

— Madame, dit alors Remy, nous ne sommes plus dans un pays calme, ni dans une situation ordinaire ; il ne convient pas que nous nous exposions comme des enfants. Nous allons certainement tomber dans une bande de Français ou de Flamands, sans compter les partisans espagnols, car, dans la situation étrange où sont les Flandres, les routiers de toutes les espèces, les aventuriers de tous les pays doivent y pulluler : si vous étiez un homme, je vous tiendrais un autre langage, mais vous êtes femme, vous êtes jeune, vous êtes belle, vous courez donc un double danger pour votre vie et pour votre honneur,

— Oh ! ma vie, ma vie, ce n’est rien, dit la dame.

— C’est tout, au contraire, Madame, répondit Remy, lorsque la vie a un but.

— Eh bien ! que proposez-vous alors ? Pensez et agissez