Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/46

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cette explication brisa le cœur de Henri. N’était-il pas probable, en effet, que Remy accompagnât sa maîtresse déguisée en cavalier ?

Alors, et si cela était ainsi, Henri ne comprenait rien que de fâcheux dans cette aventure.

Sans doute, comme le disait l’hôte, la dame inconnue allait rejoindre son amant en Flandre.

Remy mentait donc lorsqu’il parlait de ces regrets éternels ; cette fable d’un amour passé qui avait à tout jamais habillé sa maîtresse de deuil, c’était donc lui qui l’avait inventée pour éloigner un surveillant importun.

— Eh bien ! alors, se disait Henri, plus brisé de cette espérance qu’il ne l’avait jamais été de son désespoir, eh bien, tant mieux ! un moment viendra où j’aurai le pouvoir d’aborder cette femme et de lui reprocher tous ces subterfuges qui abaisseront cette femme, que j’avais placée si haut dans mon esprit et dans mon cœur, au niveau des vulgarités ordinaires ; alors, alors, moi qui m’étais fait l’idée d’une créature presque divine, alors, en voyant de près cette enveloppe si brillante d’une âme tout ordinaire, peut-être me précipiterai-je moi-même du faîte de mes illusions, du haut de mon amour.

Et le jeune homme s’arrachait les cheveux et se déchirait la poitrine, à cette idée qu’il perdrait peut-être un jour cet amour et ces illusions qui le tuaient, tant il est vrai que mieux vaut un cœur mort qu’un cœur vide.

Il en était là, les ayant dépassés comme nous avons dit, et rêvant à la cause qui avait pu pousser en Flandre, en même temps que lui, ces deux personnages indispensables à son existence, lorsqu’il les vit entrer à Bruxelles.

Nous savons comment il continua de les suivre.

À Bruxelles, Henri avait pris de sérieuses informations sur la campagne projetée par M. le duc d’Anjou.

Les Flamands étaient trop hostiles au duc d’Anjou pour bien accueillir un Français de distinction ; ils étaient trop