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— Oui, Monsieur, mais bien mauvaise ; tandis qu’au contraire… Monsieur ne sait peut-être pas cela, mais il existe une grande route excellente.

— Si fait, mon enfant, je sais cela. Mais je dois voyager par l’autre.

— Dame ! je vous prévenais, Monsieur, parce que, comme votre compagnon est une femme, la route sera doublement mauvaise, pour elle surtout ;

— En quoi, ma bonne ?

— En ce que, cette nuit, grand nombre de gens de la campagne traversent le pays pour aller sous Bruxelles.

— Sous Bruxelles ?

— Oui, ils émigrent momentanément.

— Pourquoi donc émigrent-ils ?

— Je ne sais ; c’est l’ordre.

— L’ordre de qui ? du prince d’Orange ?

— Non, de Monseigneur.

— Oui est ce Monseigneur ?

— Ah ! dame ! vous m’en demandez trop, Monsieur, je ne sais pas ; mais enfin, tant il y a que, depuis hier au soir, on émigre.

— Et quels sont les émigrants ?

— Les habitants de la campagne, des villages, des bourgs, qui n’ont ni digues ni remparts.

— C’est étrange ! fit Remy.

— Mais nous-mêmes, dit la fille, au point du jour nous partirons, ainsi que tous les gens du bourg. Hier, à onze heures, tous les bestiaux ont été dirigés sur Bruxelles par les canaux et les routes de traverse ; voilà pourquoi, sur le chemin dont je vous parle, il doit y avoir à cette heure encombrement de chevaux, de chariots et de gens.

— Pourquoi pas sur la grande route ? la grande route, ce me semble, vous procurerait une retraite plus facile ?

— Je ne sais ; c’est l’ordre.

Remy et sa compagne se regardèrent.