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l’oreille attentivement, puis, arrivé à la ruelle, le cavalier vit la lanterne, et parut hésiter s’il passerait outre ou s’il se dirigerait de ce côté.

Il s’arrêta tout à fait à deux pas de Remy, qui sentit sur son épaule le souffle du cheval.

Remy porta la main à son couteau.

— C’est bien lui, murmura-t-il, lui de ce côté, lui qui nous suit encore ! Que nous veut-il ?

Le voyageur croisa les deux bras sur sa poitrine, tandis que son cheval soufflait avec effort en allongeant le cou.

Il ne prononçait pas une seule parole ; mais, au feu de ses regards, dirigés tantôt en avant, tantôt en arrière, tantôt dans la ruelle, il n’était point difficile de deviner qu’il se demandait s’il fallait retourner en arrière, pousser en avant, ou se diriger vers l’hôtellerie.

— Ils ont continué, murmura-t-il à demi voix, continuons.

Et, rendant les rênes à son cheval, il continua son chemin.

— Demain, se dit Remy, nous changerons de route.

Et il rejoignit sa compagne, qui l’attendait impatiemment.

— Eh bien ! dit-elle tout bas, nous suit-on ?

— Personne : je me trompais. Il n’y a que nous sur la route, et vous pouvez dormir en toute sécurité.

— Oh ! je n’ai pas sommeil, Remy, vous le savez bien.

— Au moins vous souperez, Madame, car hier déjà vous ne prîtes rien.

— Volontiers, Remy.

On réveilla la pauvre servante, qui se leva, cette seconde fois, avec le même air de bonne humeur que la première, et qui, apprenant ce dont il était question, tira du buffet un quartier de porc salé, un levraut froid et des confitures, puis elle apporta un pot de bière de Louvain écumante et perlée.