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moins du monde ; et, d’ailleurs, comment aurait-il pu deviner que nous avons quitté Paris et que nous sommes sur cette route ?

— Mais comme il savait où nous étions, Remy, quand nous changions de demeure à Paris.

— Non, non, Madame, reprit Remy, il ne nous a pas suivis ni fait suivre, et, comme je vous l’ai dit là-bas, j’ai de fortes raisons de croire qu’il avait pris un parti désespéré, mais vis-à-vis de lui seul.

— Hélas ! Remy, chacun porte sa part de souffrances en ce monde ; Dieu allège celle de ce pauvre enfant !

Remy répondit par un soupir au soupir de sa maîtresse, et ils continuèrent leur route sans autre bruit que celui du pas des chevaux sur le chemin sonore.

Deux heures se passèrent ainsi.

Au moment où nos voyageurs allaient entrer dans Vilvorde, Remy tourna la tête.

Il venait d’entendre le galop d’un cheval au tournant du chemin. Il s’arrêta, écouta, mais ne vit rien.

Ses yeux cherchèrent inutilement à percer la profondeur de la nuit ; mais comme aucun bruit ne troublait son silence solennel, il entra dans le bourg avec sa compagne.

— Madame, lui dit-il, le jour va bientôt venir ; si vous m’en croyez, nous nous arrêterons ici ; les chevaux sont las, et vous avez besoin de repos.

— Remy, dit la dame, vous voulez inutilement me cacher ce que vous éprouvez. Remy, vous êtes inquiet.

— Oui, de votre santé. Madame ; croyez-moi, une femme ne saurait supporter de pareilles fatigues, et c’est à peine si moi-même…

— Faites comme il vous plaira, Remy, répondit la dame.

— Eh bien ! alors, entrez dans cette ruelle à l’extrémité de laquelle j’aperçois une lanterne qui se meurt ; c’est le signe auquel on reconnaît les hôtelleries : hâtez-vous, je vous prie.