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l’erreur ; peut-être cette dame n’est-elle pas celle que je cherche, veuillez me dire comment elle est venue, pourquoi elle est venue, et de qui elle était accompagnée ?

— Tout cela est inutile, monsieur le duc, répliqua la supérieure, vous ne faites pas erreur, et cette dame qui est arrivée ce matin seulement, après s’être fait attendre quinze jours, cette dame, que m’a recommandée une personne qui a toute autorité sur moi, est bien la personne à qui monsieur le duc de Joyeuse doit avoir besoin de parler.

À ces mots, la supérieure fit une nouvelle révérence au duc et disparut.

Dix minutes après, elle revint accompagnée d’une hospitalière dont le voile était rabattu tout entier sur son visage.

C’était Diane qui avait déjà pris l’habit de l’ordre.

Le duc remercia la supérieure, offrit un escabeau à la dame étrangère, s’assit lui-même, et la supérieure partit en fermant de sa main les portes du parloir désert et sombre.

— Madame, dit alors Joyeuse sans autre préambule, vous êtes la dame de la rue des Augustins, cette femme mystérieuse que mon frère, M. le comte du Bouchage, aime follement et mortellement ?

L’hospitalière inclina la tête pour répondre, mais elle ne parla pas.

Cette affectation parut une incivilité à Joyeuse ; il était déjà fort mal disposé envers son interlocutrice : il continua :

— Vous n’avez pas supposé, Madame, qu’il suffît d’être belle, ou de paraître belle, de n’avoir pas un cœur caché sous cette beauté, de faire naître une misérable passion dans l’âme d’un jeune homme de mon nom, et de dire un jour à cet homme : Tant pis pour vous si vous avez un cœur, je n’en ai pas, et ne veux pas en avoir.

— Ce n’est pas cela que j’ai répondu, Monsieur, et vous êtes mal informé, dit l’hospitalière d’un ton de voix si noble