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— Comment ! si elle voulait de toi, tu ne voudrais plus d’elle ? Mais c’est de la rage, pardieu !

— Oh ! non, certes ! s’écria Henri avec un mouvement d’horreur, entre cette femme et moi, il ne peut plus rien exister.

— Qu’est-ce à dire ? demanda Joyeuse surpris, et quelle est donc cette femme alors ? Voyons, parle, Henri ; tu le sais bien, nous n’avons jamais eu de secrets l’un pour l’autre.

Henri craignit d’en avoir trop dit, et d’avoir, en se laissant aller au sentiment qu’il venait de manifester, ouvert une porte par laquelle l’œil de son frère pût pénétrer jusqu’au terrible secret qu’il renfermait dans son cœur ; il tomba donc dans un excès contraire, et, comme il arrive en pareil cas, et pour rattraper la parole imprudente qui lui était échappée, il en prononça une plus imprudente encore.

— Mon frère, dit-il, ne me pressez plus, cette femme ne m’appartiendra plus, puisqu’elle appartient maintenant à Dieu.

— Folies, contes ! cette femme, une nonnain ! elle vous a menti.

— Non, mon frère, cette femme ne m’a point menti, cette femme est hospitalière ; n’en parlons donc plus et respectons tout ce qui se jette dans les bras du Seigneur.

Anne eut assez de pouvoir sur lui-même pour ne point manifester à Henri la joie que cette révélation lui causait.

Il poursuivit :

— Voilà du nouveau, car vous ne m’en avez jamais parlé.

— C’est du nouveau, en effet, car elle a pris récemment le voile ; mais, j’en suis certain, comme la mienne, sa résolution est irrévocable. Ainsi, ne me retenez plus, mon frère, embrassez-moi comme vous m’aimez ; laissez-moi vous remercier de toutes vos bontés, de toute votre patience, de votre amour infini pour un pauvre insensé, et adieu !