Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/262

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais nul, excepté Catherine et du Bouchage, ne s’avoua que le duc était un homme mort.

Ce malheureux prince ne recouvra pas la voix ni le sentiment, ou, pour mieux dire, il ne donna plus aucun signe d’intelligence.

Le roi, frappé d’impressions lugubres, ce qu’il redoutait le plus au monde, eût bien voulu repartir pour Paris ; mais la reine mère s’opposa à ce départ, et force fut à la cour de demeurer au château.

Les médecins arrivèrent en foule ; Miron seul devina la cause du mal, et jugea sa gravité ; mais il était trop bon courtisan pour ne pas taire la vérité, surtout lorsqu’il eut consulté les regards de Catherine.

On l’interrogeait de toutes parts, et il répondait que certainement M. le duc d’Anjou avait éprouvé de grands chagrins et essuyé un violent choc.

Il ne se compromit donc pas, ce qui est fort difficile en pareil cas. Lorsque Henri III lui demanda de répondre affirmativement ou négativement à cette question :

— Le duc vivra-t-il ?

— Dans trois jours, je le dirai à Votre Majesté, répliqua le médecin.

— Et à moi, que me direz-vous ? fit Catherine à voix basse.

— À vous, Madame, c’est différent ; je répondrai sans hésitation.

— Quoi ?

— Que Votre Majesté m’interroge.

— Quel jour mon fils sera-t-il mort, Miron ?

— Demain au soir, Madame.

— Si tôt !

— Ah ! Madame, murmura le médecin, la dose était aussi par trop forte.

Catherine mit un doigt sur ses lèvres, regarda le moribond, et répéta tout bas son mot sinistre :

— Fatalité !